Le comics de ma vie
J'ai 14 ans.
Si les cours au collège, les sorties entre amis et les inévitables questionnements propres à l'adolescence font partie de mon quotidien, j'ai une obsession dans ma jeune vie : les comics.
Pas que le reste soit sans importance, non, seulement les comics ont à ce moment là de ma vie une importance capitale.
C'est dans ces pages que, depuis tout petit, je trouve un réconfort tout particulier, celui-là même capable de stimuler mon imaginaire encore bien balbutiant ou encore de calmer les quelques crises d'angoisse qui me frappent de temps en temps.
Les comics font partie de ma vie.
Au même titre que la musique pour un musicien, la cuisine pour un chef ou l'écriture pour un auteur littéraire.
C'est ce besoin quasi vital qui, en 2014, me pousse à régulièrement attirer l'attention de mes parents pour leur faire comprendre que mon mois serait bien plus agréable avec un comics (ou plus) entre les mains.
C'est vrai. Qui refuserait d'acheter des livres à son enfant ?
Seulement voilà, les comics, et d'autant plus l'univers Marvel, c'est vaste.
Trop vaste pour un ado de quatorze ans qui ne sait jamais où donner de la tête, se perd régulièrement dans ses propres passions et qui au final : se questionne.
C'est simple, à l'époque seul quelques figures ont mon attention ; Spider-Man, Superman, Hulk et, depuis peu, un intérêt assez grandissant pour les différents Robin chez DC- Dick Grayson, Jason Todd ou Tim Drake notamment- c'est donc à la fois stimulant mais aussi complexe que de choisir un ou plusieurs titres à une époque où les comics étaient encore difficilement établis chez le grand public.
Je prenais ce qui me venait, il suffisait que la couverture me parle pour m'y jeter et ce malgré les recommandations de libraires passionnés mais néanmoins conscient qu'un achat reste un achat.
À ce moment-là en France, l'éditeur Panini Comics, qui s'occupe de tout ce qui concerne la Maison des Idées, avait déjà établi un plan d'édition et de publication assez bien rodé qui tenait, principalement, en un format : le kiosque.
Le kiosque, c'est génial.
Ça prend peu de place, c'est souple, souvent élégant et surtout, c'est pas cher.
C'est là que mon histoire prend de l'ampleur.
Octobre 2014.
Je tombe assez gravement malade.
Le froid n'aide pas ma condition et ma mère m'emmène rapidement voir notre médecin traitant, ce dernier qui, heureusement pour moi, trouve son cabinet en face d'un buraliste.
Coup de bol.
Je suis physiquement épuisé et ma mère, merci à elle, traverse les quelques mètres séparant la structure médicale du bureau de tabac pour trouver chez ce dernier de quoi, sans doute, réconforter son fils : un comics.
Pas n'importe lequel, il s'agissait du numéro 7 de la série Marvel Universe consacré à l'ère d'Ultron.
(le film étant prévu l'année d'après)
La couverture était cool, l'idée de me confronter à un personnage que je connaissais peu aussi et même si mon état à ce moment était loin d'être glorieux, j'étais très heureux de ce cadeau.
- Petite parenthèse sur Marvel Universe, magazine bimestriel publié par Panini aux alentours de 5,50€.
La spécificité de ce dernier était de proposer des récits courts (ou sagas complètes) permettant aux néophytes de découvrir un personnage ou une partie de l'univers Marvel à bas prix, tout en suivant l'actualité.
Mon corps abonné aux médicaments et à un repos bien mérité, une seule nuit de sommeil suffit avant que je décide de me plonger dans cette récente acquisition.
Résultat : une bonne lecture.
Sans plus.
Non car Marvel Universe numéro 7 n'est qu'un prétexte servant à cacher la véritable star de cette histoire : le numéro suivant, Marvel Universe numéro 8, prévu pour Décembre 2014.
Arrivé à la fin du kiosque, mon attention fut retenue par les multiples annonces de Panini, une en particulier pour le numéro suivant : Marvel Universe 8 sera consacré à un certain Soldat de l'Hiver.
Octobre 2014, cela fait quelques mois que le film Captain America : The Winter Soldier est sorti, et avec lui la découverte pour le grand public du Soldat de l'Hiver, présenté comme antagoniste mais se relevant être l'ami d'enfance de Steve Rogers : Bucky Barnes.
Sauf que ça à l'époque ça m'importe peu, tellement peu d'ailleurs que c'est cette annonce, cette micro pub pour le kiosque à venir qui va attirer toute mon attention.
"Remender et Boschi nous plongent dans le passé de l’univers Marvel ! Nous retrouvons Bucky Barnes à l’époque où il était le Soldat de l’Hiver, un assassin impitoyable au service de l’URSS. Dans la balance ? Le destin du monde. Face à lui ? Un simple agent du S.H.I.E.L.D. Une mini-série complète pleine d’action !"
La description pour le numéro 8 de Marvel Universe avait de quoi me faire saliver.
Une histoire d'espionnage ? En pleine Guerre Froide ?
Il faut savoir que le genre de l'espionnage a toujours trouvé chez moi une forme de résonnance.
De XIII à Jason Bourne en passant par James Bond ou encore la littérature de John Le Carré, c'est un genre qui m'a toujours fasciné, emporté et qui, aujourd'hui, se trouve au cœur de beaucoup de mes ambitions artistique.
Mais plus que la description, c'est la couverture qui a directement capté mon attention.
Tout dans celle-ci avait de quoi m'intéresser.
La disposition des personnages, le côté pulp et rétro des couleurs mais surtout ; le Soldat de l'Hiver.
Ce super-assassin masqué, brandissant une mitraillette, son bras en métal couvrant une grande partie de sa présence dans le cadre, le visage inquiet d'une femme au-dessus de lui.
Sans le savoir, j'avais face à moi une couverture résumant l'intégralité de l'histoire que je m'apprêtais à lire dans deux mois.
J'ai d'ailleurs passé ces deux derniers dans une forme d'excitation qui m'était encore inconnu, tout était prétexte à revenir vers cette couverture et ce petit synopsis, plus le temps passait et plus mon impatience grandissait.
Décembre 2014.
Ça y est, c'est le moment.
Mes parents avaient prévu le coup, sans savoir que mon achat allait avoir d'immenses conséquences sur moi.
Je me réveille comme d'habitude pour aller au collège, sauf que sur la route j'effectue un passage chez le buraliste.
5€ et 50 centimes plus tard et le voilà.
Je l'ai, ce petit magazine d'une centaine de pages est enfin entre mes mains et avec lui, la certitude pour moi que je tiens quelque chose de "vraiment cool".
Mais les cours n'attendent pas, et Marvel Universe reste bien au chaud dans mon sac non sans que j'y jette un coup d'œil de temps en temps pour être sûr de sa présence.
17h. Je suis de retour chez moi.
Pas de temps à gaspiller, mes devoirs sont peu nombreux et je n'ai qu'une hâte : lire.
(c'est d'ailleurs bientôt les vacances)
Et j'ai lu, j'ai même dévorer ce numéro avec une passion que je qualifierais aujourd'hui incandescente.
Après avoir refermer le kiosque je n'ai eu qu'une envie, l'ouvrir à nouveau mais surtout, j'ai ressenti quelque chose que je n'avais pas ou peu ressenti jusqu'alors : la joie intense d'avoir découvert quelque chose.
Le reste de la soirée, repas compris, n'a été qu'une excuse pour moi de poser mon regard vers ce Winter Soldier : The Bitter March.
J'avais besoin de feuilleter quelques pages puis de relire des extraits, m'attarder sur des détails, des dialogues, des images, j'étais absorber par ce que je venais de découvrir.
L'histoire :
1966.
Deux scientifiques nazis ont mis au point une "formule d'alchimie", cette dernière attirant la convoitise des différentes super-puissances rivalisant durant la Guerre Froide : le S.H.I.E.L.D, HYDRA et bien sûr l'URSS, ces dernières envoient tous les moyens nécessaires pour retrouver les scientifiques, des agents américains Nick Fury et Ran Shen au légendaire et mystérieux Soldat de l'Hiver.
La nuit porte conseil à ce qu'on dit, pour moi celle-ci fut alimentée par l'envie de me réveiller au plus vite et d'être sûr de ce que je venais de lire, au moins qu'il ne s'agisse pas d'une déception.
Dès lors que je me suis rapproché du kiosque pour y jeter un coup d'oeil, des images me sont venues à l'esprit : une bataille en pleine montagne, un train qui s'écrase en pleine nuit, une fin abrupte et bien sûr : le Soldat de l'Hiver.
Le récit le présente comme une machine implacable, froide et qui inspire la peur aux plus déterminés et expérimentés des agents, peu importe leurs allégeances.
Le récit en lui-même avait cet aspect "Bondien", des sommets enneigées au petit village perdu en passant par un château abritant une organisation terroriste, tout avait l'air d'un film, et d'un film qui avait toutes les qualités requises pour être un de mes coups de cœur.
Les semaines passaient et rien n'arrivait à enlever ces images de ma tête- en y repensant, j'en suis très heureux- et si d'autres comics avaient fini par se poser sur ma pile de lecture, Les Saints de Glace (son titre en version française) était là.
Non comme une présence intruse et nuisible mais comme une douceur- voyez un chocolat chaud, un oreiller ou une pâtisserie- qui m'appelait à revenir tourner quelques pages histoire de me stimuler un peu plus.
La stimulation en question ne s'arrêtait pas là, sans m'en rendre compte ce comics avait créé chez moi une envie, celle d'écrire des histoires du même genre.
De sa structure narrative à ses dialogues en passant par les scènes d'action, les décors, l'utilisation des années 60 et de la Guerre Froide comme environnement, l'affrontement entre plusieurs espions et organisations.
Absolument tout résonnait chez moi.
Marvel Universe numéro 8 avait rapidement été remplacé, d'autres kiosques, d'autres histoires et personnages se devaient d'être présentés au public mais pas pour moi.
La lecture avait, je le sens, créé un avant et un après.
Le Soldat de l'Hiver, Bucky Barnes, était rapidement devenu un centre d'intérêt majeur pour moi.
Je passais la majeure partie de 2015 à voyager des différents sites internet aux librairies de ma ville pour "lire du Bucky".
"Le Soldat de l'Hiver, ça va être compliqué. On a quelques apparitions dans du Captain America mais c'est tout", me dit un libraire sans doute étonné de voir un intérêt si grandissant pour un personnage qui, encore à l'époque, était secondaire.
Tant pis. J'avais mon kiosque et si les comics liés au Soldat de l'Hiver ne courent pas les rues, il me suffisait de chercher sur le web, revoir Captain America : The Winter Soldier (qui a rapidement atteint une dizaine de visionnages en peu de temps) ou simplement d'en parler autour de moi.
Pour la première fois de ma vie je me sentais connecté à un personnage.
Chaque annonce, image, le moindre teaser ou produit dérivé finissait par être décrypter par mes soins.
Bucky Barnes devenait mon personnage de cœur, mon personnage préféré et Bitter March un des piliers de ma culture comics.
À l'heure où j'écris ces lignes, dix années se sont écoulées.
Aujourd'hui je connais Bucky quasiment sur le bout des doigts, ma collection est passée d'un simple kiosque à une dizaine d'éditions et formats différents, de la version originale à française, couvrant la vie de Bucky, et quelle vie !
Le personnage est apparu en série d'animation (What If, Avengers Assemble, Future Avengers), dans les jeux-vidéos (Marvel's Avengers, Marvel Rivals, Lego Avengers, Marvel Vs Capcom) ou encore en série dédiée (Falcon & The Winter Soldier).
Il a eu droit à plusieurs séries de comics, dirige actuellement les Thunderbolts et sa popularité ne fait que grandir alors que le film Thunderbolts* prépare sa sortie.
Au milieu de ça, moi.
Moi et Bitter March.
Car oui j'ai beau avoir lu et relu du Bucky, ce comics ne m'a jamais quitté.
Au fil du temps j'ai appris à connaître son auteur, Rick Remender, son dessinateur, Roland Boschi, ainsi que le run dont l'histoire est tirée.
C'est d'abord à eux que je souhaiterais m'adresser.
Merci.
Sans doute ne liront-ils jamais ce texte mais peu importe.
Cette histoire, qui est au final une parenthèse du travail de Remender, a changé ma vie.
Sans elle pas de Bucky, mais surtout une certitude bien plus frêle que mon avenir réside dans l'écriture, celle de l'espionnage bien sûr mais l'écriture de comics surtout.
Sans cette chasse à l'homme en pleine Guerre Froide, mon intérêt pour les histoires d'espionnage en comics serait bien moindre.
Pas de Ed Brubaker, Alès Kot ou Jim Steranko pour accompagner mes impulsions artistiques.
Et bien sûr : pas de Bucky.
Je me réserve de parler plus longuement de mon rapport à ce dernier un jour, aujourd'hui je préfère m'en tenir à Bitter March.
Je préfère rester sur cette découverte qui avait tout pour être anodine mais qui fût tout le contraire.
Aujourd'hui encore des répliques me résonnent dans la tête :
« Il ne fait pas bon de rester coincé dans cette forêt avec le Soldat de l'Hiver. »
« Ce soir ? Et si le Soviet revient ? »
« Tu l'as trahi ! Voilà ce que tu as fait, Barnes ! »
Rien ne pourra égaler cette lecture et son impact sur moi.
Un impact immensément positif, je parlais plus tôt de pâtisserie ou douceur pour le qualifier mais il est plus que ça : une boussole.
J'ai emporté le kiosque dans tellement d'endroits, heureux qu'il soit encore près de moi, du collège à l'université, en passant par de la famille lors de vacances ou de l'hôpital dans les moments les plus durs.
C'est ça que ce texte sert avant tout à mettre en valeur.
Une œuvre, peu importe son origine, son genre ou son médium a droit à son impact.
D'ailleurs, on ne choisit pas cette impact.
J'aime à croire que les œuvres nous choisissent plus que le contraire, de ce constat j'en ai tiré une conclusion : Winter Soldier : The Bitter March m'a choisi.
Je vous souhaite une merveilleuse année 2025.
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