LIKE LIGHTNING - Pourquoi le premier numéro de Thunderbolts (1997) est parfait


[Note d'avant lecture : le texte qui va suivre dévoile le twist du premier numéro de Thunderbolts (1997)]


Chaque histoire a un commencement.
Celle-ci prend place en 1997, une année où l'univers Marvel n'est plus que ruines et où les plus grands héros de la Terre ont disparus, laissant chaque citoyens en proies aux pires criminels et dangers rôdant autour d'eux.
C'est dans ce contexte trouble et inédit qu'une équipe de héros alors inconnue fait son apparition.
Elle ne cherche pas la gloire, n'est l'héritière d'aucune autre équipe, ne souhaite rien de plus que d'aider et protéger les habitants : les THUNDERBOLTS !

Seulement voilà, les Thunderbolts ne sont pas ce qu'ils semblent être.
Derrière la façade, les costumes, le ton et l'énergie de groupe se cache une équipe dont le nom a hanté la vie de nombreux héros : les MASTERS OF EVIL.

Si aujourd'hui beaucoup (dont moi) attendent avec grande impatience la sortie de 'Thunderbolts*' au cinéma et si le nom Thunderbolts est désormais établi au sein de l'univers Marvel, il n'en était rien il y a presque 30 ans.
Nés dans les décombres causés par l'événement Onslaught, les Thunderbolts originaux ont dû se construire- ou plutôt reconstruire, et ce, malgré un background déjà connu du lectorat de l'époque.
Les T-Bolts ne sont pas des héros et c'est pourtant sous ces traits que se présentent Citizen V (Baron Zemo), Songbird (Screaming Mimi), Atlas (Goliath), Mach-1 (Beetle), Techno (Fixer) et Meteorite (Moonstone)

Le numéro s'ouvre sur un reportage, détail intéressant, il nous permet à nous, lecteur.ice, d'avoir un point de vue réaliste et ancré avec la perception des habitants.
Petit rappel : nous sommes dans un monde post-Onslaught, les T-Bolts, ainsi que nous, sommes plongés dans un monde dénué de héros (du moins reconnus et célébrés) ce qui donne l'occasion à Kurt Busiek à l'écriture et Mark Bagley aux dessins de construire leur récit, ainsi que les personnages, sur une base neuve et encore inédite à l'époque.

En effaçant toute trace "héroïque" de son introduction, le numéro permet d'effectuer un panorama réel de la situation, de telle sorte à nous faire ressentir comme habitant.e.s de cet univers et donc victime de cette catastrophe.

Viens ensuite l'introduction du Rat Pack, un groupe de pilleurs qui, vous vous en doutez, vont servir de faire-valoir aux nouveaux venus en ville : les Thunderbolts.
Si les héros sont très vite sur les lieux, Busiek et Bagley ne se cachent pas de montrer les conséquences physiques et matériels du post-Onslaught, n'hésitant pas à présenter les vilains à la recherche de ressources matérielles mais aussi humaines.
Le tout avec une économie de mots et d'images, juste de quoi retranscrire la terreur.


Les Thunderbolts interviennent enfin, avec tout d'abord Citizen V ; ce dernier se présente comme noble et maniéré, dévoilant rapidement son statut de leader auprès du Rat Pack.
Le combat qui suit est un exemple parfait de développement et construction par l'action ; les T-Bolts ne sont pas parfait, loin de là.
L'équipe fait des erreurs et en paye le prix, comme lorsque Techno se montre imprudent causant une blessure pour son partenaire Atlas.
Malgré ça, aucune de leurs compétences n'est remises en doute, en tant que lecteur.ice personne ne supporte vraiment de voir des nouveaux venus régler n'importe quel problème en cinq minutes montre en main.

La présence des Thunderbolts suffit à faire fuir le Rat Pack, ce qui permet à nos héros du jour de se replier à leur tour et de prendre repos dans leur (modeste) quartier général.
Les séquences qui suivent vont servir à présenter la dynamique au sein des T-Bolts, une façon pour Busiek de faire de l'exposition et de permettre à son public de comprendre les motivations ainsi que les relations entre les membres.
Chaque personnage bénéficie d'une mise en avant, l'atmosphère est reposante, voire même quotidienne, et fait preuve une nouvelle fois de l'économie de moyens prise par les auteurs.

L'intérêt de ces quelques scènes, dont une séquence d'interview des T-Bolts, permet aussi de nous faire deviner de la nature du twist qui nous attend.
Sans être grossier ou même suggérer ce dernier, une seconde lecture fait rapidement surgir les indices disposés entre chaque lignes de dialogue.
Relire le numéro permet ainsi de comprendre que, s'il est inattendu, le twist n'a pas pour but de choquer pour choquer.

En parlant d'indices, les Thunderbolts sont vite retirés de leur obligation médiatique pour affronter le Wrecking Crew.
Un détail amusant que je n'ai noté que récemment :
Avant d'affronter le Wrecking Crew, Techno se montre furtivement hésitant avant que Citizen V ne le ramène à l'ordre, lui rappelant que le Crew est une force dangereuse qu'ils se doivent d'arrêter.
(le Crew fût allié aux Masters of Evil)

Après une bataille bien mieux organisée et efficace que contre le Rat Pack, les Thunderbolts sortent victorieux et héroïque, malgré des dommages causés à la Statue de la Liberté, un contrecoup qu'ils vont rapidement réparer devant de multiples caméras de télévision.

Deux actes héroïque en un et voilà que les T-Bolts sont félicités et même reconnus par la ville de NY mais aussi Black Widow.

Et c'est alors que Busiek et Bagley, dans leur génie, dévoilent ce que personne n'attendais à l'époque.

Tout. est. parfait.
Presque 30 ans après sa publication et je sens que cette page possède la même énergie évocatrice.
Le changement soudain de ton et de physique entre Citizen V et Zemo, les couleurs pop et vibrantes de Joe Rosas, donnant un contraste parfait entre les paroles prononcées et le masque que les Thunderbolts enfilent, le lettrage de Dave Lanphear et Oscar Gongorra capturant la frénésie des mots de Zemo et enfin le visage des T-Bolts, Mark Bagley s'assurant que chaque membre affiche une expression légèrement différente.

Encore aujourd'hui, je considère cette page comme un véritable tour de force technique sur tous les aspects du médium.
Mais d'ailleurs : pourquoi est-ce un tour de force ?

Comme je le disais plus haut, rien n'y personne n'était préparé à encaisser un tel twist mais au-delà de celui-ci se cache une prouesse narrative qui s'évalue à chaque nouvelle lecture.
De leur première confrontation face au Rat Pack à leur première interview télévisée, les Thunderbolts font leur maximum pour cacher leur véritable intention mais Kurt Busiek s'assure de montrer quelques fissures ici et là :

- La présentation des Masters of Evil au journal télévisé du début 
- Citizen V présentant les T-Bolts comme "des volontaires et non des héros"
- Le fait que leur deuxième affrontement se déroule face au Wrecking Crew 

La liste est longue.
L'on pourrait également revenir sur le fait que d'un point de vue strictement lié à la continuité le numéro fait des merveilles en utilisant les vilains comme pilleurs des ressources humaines et matérielles laissées au lendemain de la catastrophe Onslaught.
Beaucoup ont d'ailleurs noté que le numéro se prête à une analyse mirror de la situation réelle du post-9/11.
Bien que les deux soient séparés par 5 ans, l'on peut voir dans le plan de Zemo- user d'une catastrophe pour s'armer et lancer un plan de domination, un écho à la War on Terror lancée par l'administration Bush au lendemain du 11 septembre 2001.

Si tout cela reste le fruit d'analyse, Thunderbolts #1 est l'un des meilleurs comics de la décennie 90 et un, encore aujourd'hui, permettant à n'importe qui de saisir les subtilités d'une narration hors pair.

Thunderbolts #1 écrit par Kurt Busiek, artiste Mark Bagley, Vince Russell, Joe Rosas et édité par Tom Brevoort et Bob Haras.


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